"Derrière les mots utilisés, il y a une pensée et des tombereaux d’idées toutes faites. Ainsi, qui connaît Sawtche ? Personne. Et Saartjie Baartman ? Ah, cela vous rappelle quelque chose, mais quoi ? Qui ? En revanche, vous connaissez le sort funeste de la « Vénus hottentote », cette femme sud-africaine exhibée telle une bête de foire en Europe, au début du XIXe siècle, et étudiée par le scientifique français Georges Cuvier dans la perspective de bâtir une hiérarchie des races. Eh bien, son nom était Sawtche ; elle fut baptisée plus tard Saartjie Baartman. Mais que dit-on quand on associe le mot « vénus » et l’épithète « hottentote » ?
Le premier renvoie, bien plus qu’à la déesse de l’amour, à ces sculptures du paléolithique représentant des femmes aux fesses, aux hanches, aux seins ou aux organes génitaux hypertrophiés (Vénus de Lespugue, Vénus de Willendorf, etc.). Le terme « hottentot » serait, quant à lui, un sobriquet utilisé par les Afrikaners pour qualifier les Khoïkhoïs, dont la langue aux « clics » caractéristiques pouvait évoquer le bégaiement aux oreilles des Européens. Autant dire que, huit ans après le retour du corps de Sawtche sur sa terre natale, près de deux cents ans après sa mort, le langage commun porte encore les traces d’inoxydables préjugés."
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