(Cette petite histoire a été publiée sur le site web de Mopaya)
« Bonsoir, j’aimerais l’addition s’il vous plaît. La serveuse m’a demandé de m’adresser au comptoir » dis-je au caissier en fon.
Je suis à Cotonou depuis quelques semaines et je me plais à m’adresser à tout le monde dans le dialecte le plus parlé au sud du Bénin. Malgré mes vingt ans d’absence du pays, je suis fier de maîtriser cette langue que j’ai apprise durant l’enfance. Il est quatorze heures et je viens de manger dans un maquis avec ma famille. Ma femme et ma fille, blanche et métisse, ne sont clairement pas d’ici et nous attirons l’attention du personnel et des clients. Mais nous commençons à nous habituer aux regards. De plus, les plantains frits et la carpe grillée étaient délicieux et je parle fon : c’est ce qui compte. Perdu dans mes pensées et occupé à me féliciter je ne m’entends pas.
«Ça là, c’est le fon de l’étranger, ce n‘est pas le vrai fon » rétorque le caissier avec un sourire narquois. Ses collègues debout autour de nous se mettent à rire. Surpris mais amusé, je lui réponds alors qu’au moins je comprends fon, et qu’il ne peut pas faire de commentaire sur nous sans que je ne le sache. Je ne suis pas « Yovo (1) » moi, je suis bien d’ici.L’exil a certes donné une teinte colorée à ma langue, mais je sais la parler. Le temps que je conclue sur un proverbe bien de chez nous, les serveurs étaient retournés à leurs tâches et le caissier me lançait un regard confus !
(1) « Blanc » en fon.
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