Petit voyage musical vers mes années lycées, l'insomniaque que je suis redevenu retourne dans le monde des notes jazzy de Tracy Chapman!
J'ai découvert cette chanteuse américaine de 48 ans, originaire de Cleveland et vivant à San Francisco, il y a une quinzaine d'années du temps où, jeune poète, philosophe et joueur de basketball, je frottais de mes pantalons les bancs du Lycée français de Tananarive à Madagascar. Des amis m'en avaient refilé une cassette -eh oui, en ce temps là, on passait de la face A à la face B pour écouter un album- et adolescent plutôt romantique et sentimental, j'ai tout de suite apprécié la voix douce et chaleureuse, mais surtout la musique dépouillée de ses albums. De plus, apprenti en mal de pratique de la langue de Shakespeare, j'ai été touché par le sens profond des paroles de ses chansons que je commençais à comprendre.
La vie de Tracy-la-timide (qui a un diplôme en anthropologie et en études africaines de l'université Tufts au Massachusetts, clin d'oeil à mon amie A.G.) semble, loin des soirées mondaines de la jet set, continuellement refléter l'Amérique profonde. Elle aime se produire en Europe et utilise simplement sa voix et sa guitare pour dénoncer l'injustice et la pauvreté, parler de révoltes, de douleurs, de promesses ou d'amours trahies et d'espoirs d'évasion.
Parmi mes préférés, son deuxième album sorti en 1989, et la chanson titre, "Crossroads" que voici. Tout un symbole.
Bonne nuit!
Le visage de l'ombre
Je viens de réaliser une interview avec Iman Eyitayo, jeune écrivaine d'origine béninoise vivant entre Paris et le Québec. Iman vient de publier son premier livre et on sent autour d'elle la frénésie des nouveaux départs et des belles réalisations. Iman, c'est aussi une Mopaya, une "étrangère", une bourlingueuse qui a roulé sa bosse sur les trois continents si chers à la Diaspora africaine, la terre mère Afrique, l'Europe et l'Amérique. Je vous livre ici ses propos et nos échanges, qui ont eu lieu entre Ottawa et Paris, dans le confort de nos salons respectifs.
3 mai
2012 – Conversation avec Iman Eyitayo
[15:32:13] Toun: Salut Iman, je viens
d’apprendre que tu as publié un livre. Quel en es t le titre ?
[15:32:39] Iman: "Le visage de l'ombre", c'est le 1er tome de la série "Coeur de flammes"
[15:33:02] Toun: Combien de livres font la
série? Pourquoi une série?
[15:34:27] Iman: Quatre tomes. Pourquoi une
série? A vrai dire, je voulais explorer plusieurs facettes de mes personnages
(certains viennent de mondes différents, donc avec des cultures différentes),
les voir évoluer et aussi simplement parce que l'histoire me l'impose ! Il me
serait impossible de tout raconter en un tome ou alors il ferait facilement
1800 pages !
[15:34:52] Toun: (sourires) Ton site explique
un peu comment tu en es arrivée à écrire. Cependant, tu parles d'un évènement
marquant qui aurait été le déclic. Peux-tu m'en dire plus?
[15:38:10] Iman: en fait, après avoir été diplômée,
j'ai obtenu un CDI, c'est un peu le sacre en France, le fameux contrat à durée
indéterminée. En général, obtenir son autorisation de travail est une
formalité. Alors j'ai lancé ma demande, persuadée (aussi bien moi et mon
entreprise) que je l'avais haut la main (je précise qu'aux yeux de tous j'ai un
dossier en béton: diplômes et tout ça...). Mais après un mois à faire mes
preuves, j'ai reçu une lettre de l'administration disant que mon autorisation
de travail était refusée. Ca a été un choc. Vraiment. Je me suis retrouvée sans
revenus, sans statut, du jour au lendemain. J'ai dû quitter mon entreprise le
jour-même. Certes mon entreprise a entamé une démarche auprès du tribunal mais
c'est long et en attendant, je n'ai pas le droit de travailler. Je ne savais
plus quoi faire alors écrire était ma seule consolation. J'ai écris sans
relâche pour essayer de ne pas y penser.
[15:48:02] Toun: "Rien ne surpasse en
difficulté notre propre incapacité a accomplir quelque chose" cite
Marie-Anne Keverian sur le site de Créateurs d'avenir, un concours d'entrepreneurs du Québec. Plusieurs écrivains se sentent
"refoulés". Les aléas de la vie, le travail, la course après le temps
et surtout le manque de confiance en soi. Au delà, des millions de personnes
abandonnent leurs rêves pour les mêmes raisons. Que recommanderais-tu à une
"rêveuse refoulée ou un rêveur refoulé"?
[15:58:30] Iman: Je dirais qu'on ne vit qu'une
fois et que la peur de l'échec est certes normale, mais inutile. Je veux dire,
lorsque j'ai fait lire mon livre pour la première fois à ma soeur, je ne
pensais pas du tout à me faire publier, j'étais certaine que c'était du "gâchis"
mais je savais aussi que "je n'avais rien à perdre, rien à miser".
J'étais déjà dans le fond (selon ma conception de la chose). Et là, le miracle.
Ma soeur me rend le manuscrit, avec pour ordre "d’écrire la suite!"
J'ai d'abord pensé, "c'est la famille", puis les critiques amicales
ont suivi. Au final, je pense que lorsqu'on a l'impression d'avoir réalisé ses
plus grandes peurs, on ne risque plus rien, on n'a plus peur. Et c'est dans ces
moments là qu'on fait les plus grandes choses. Je dirais que l'échec est une
possibilité certes, mais qui ne devrait freiner personne dans son élan. L'échec
est même ce qui nous permet d'avancer.
[16:02:42] Toun: À travers les aventures
d'Aluna ton personnage principal, évoquerais-tu également le cheminement de migrants
et d'immigrants? Cette histoire est-elle en partie inspirée de tes propres pérégrinations?
[16:08:06] Iman: En fait, à l'origine le
personnage d'Aluna a été créée de l'esprit d'une enfant (noire bien sûr) de
11ans qui avait peur du rejet, c'était un peu la matérialisation de ce que je
voyais dans la vie: le non droit à l'existence, l'impossibilité de s'exprimer,
l'obligation de taire son nom et de se cacher. Je dirais que c'est probablement
plus en lien avec la place de l'enfant noir dans sa propre société qui quelque
part fait aussi écho à celle de la société noire dans le monde: existence mais
dans l'ombre. Le détail qui tient vraiment de mon expérience d'immigrée, c'est
le Régisseur: ce tyran qui s'impose en maître sur Iriah et qui n'avait à l'origine
pas cette forme et cette importance dans l'histoire. Cette injustice dans mon
monde reflète assez bien (je pense) certaines aberrations du système dont je
suis en quelque sorte la victime aujourd'hui.
[16:10:21] Toun: Plusieurs thèmes intéressants s'y recoupent donc. Comment peut-on se procurer
"Le visage de l'ombre"?
[16:11:45] Iman: Il existe sous trois formats
à ce jour: le format mobi sur amazon, le format epub sur www.lulu.com et le
format papier toujours sur www.lulu.com. Un format epub devrait être disponible
sur Apple d'ici quelques jours.
[16:16:46] Toun: Il est quelle heure à Paris?
[16:16:58] Iman:
22h15
[16:17:10] Toun: Je suis heureux
que Skype nous ait permis d’avoir cette conversation. Merci, au nom des
lecteurs d’Indigène du monde, pour ton ouverture et pour l’inspiration. Merci Iman,
et bon succès à ton livre!!
[16:17:15] Iman: De rien :)
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