Hier nous avons célébré l’anniversaire d’un collègue. La soixante d’employés que nous sommes dans mon immeuble s’est retrouvée autour de pizzas, de fruits et de boissons gazeuses. Nous lui avons fait une surprise qu’il a beaucoup appréciée : la pizza avait été commandée et livrée par un restaurant qu’il fréquente depuis 45 ans! Au cours du déjeuner, il a parlé de son appréciation de ce restaurant, et du fait qu’il est né et a grandi dans ce quartier, le même dans lequel se situent nos bureaux.
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La pizzeria du coin Source: www.linternaute.com |
J’ai été frappé par cette révélation et par la relation de mon collègue à un lieu géographique. Il y a plusieurs semaines, je découvrais qu’une de mes amies, professeur d’université, était l’une des rares personnes que je connaisse qui enseignent à l’université dans la ville où ils sont nés et où ils ont grandi.
J’avais oublié qu’il existe encore des personnes attachées à un endroit précis, une ville, un quartier, un bloc, des rues, des personnes qui auraient pu choisir d’aller ailleurs et qui ne l’ont pas fait, des personnes qui, vraisemblablement le resteront toute leur vie.
Nous autres, migrants perpétuels ou immigrants d’une fois, nous autres « étrangers », « Mopaya », n’avons pas le même rapport au lieu. Pour des raisons diverses qui bien trop souvent nous dépassent, nous avons quitté ces endroits chers à nos cœurs pour nous attacher à de nouveaux paysages. Et quand, par chance, par choix ou par obligation, nous retournons vers les contrées de nos vies passées, ces coins que nous avons quittés enfants, adolescents ou jeunes adultes, nous sommes souvent déconnectés.
Les endroits changent et se métamorphosent. Ils ont changé quand nous y retournons, et nous de notre côté, avons évolué. Le décalage dans l’espace, la distance de la migration, apparait également comme un décalage dans le temps. Ces places, ces lieux, ces espaces n’existent plus que dans nos mémoires. Nous n’aurons plus jamais l’occasion de les visiter, comme la pizzeria de mon collègue : cette tradition est disparue.
Il nous restent les goûts et les odeurs, bien que les parfums et les saveurs changent eux aussi...
Nostalgie! Panique! Que faire alors face à ce vide? Pour plusieurs, je sais qu’il s’agit de revenir souvent pour « rester ancré. » Revenir vers la terre natale, cultiver les liens avec les familles tout en s'enracinant dans cette nouvelle vie. Pour d’autres, au contraire, il faut simplement créer de nouvelles traditions, apprendre à aimer les lieux qu’on fréquente et les parfums qu’on respire. Il faut vivre au présent, en somme, et laisser le passé derrière, par choix ou par nécessité, même si on le chérit et qu’on en entretient la mémoire. Le temps n’est-il pas ainsi fait, de toute façon, que tout change constamment autour de nous?
Ceci dit, pour moi, tout cela est trop éphémère et je suis de ceux -j'en connais peu- qui se créent une troisième voie: toujours recommencer.