Mon stage en développement international


Un vieux texte que j'ai oublié de poster...
Mon stage en développement international

Ou l’art de vivre ses rêves


De Yaoundé à Maccchu Picchu: rêver



« Il était une fois un jeune garçon d’origine béninoise qui vivait au Cameroun. Adolescent, il portait des lunettes, écrivait des poèmes et adorait lire. Il s’appelait Raïmi. Il deviendra « Inti », comme le soleil, mais je vais trop vite.


Raïmi aimait courir dans les rues du quartier Bastos à Yaoundé, entre les maisons de ses voisins, où il suivait des cours de piano et celle de ses amis, Saïd le marocain, et Christophe le franco-camerounais. Ils allaient tous à l’école française et jouaient au foot et au basket. Les parents de Saïd et de Raïmi travaillaient ensemble et s’employaient à leur manière à « sauver le monde ». En fait, ils travaillaient pour l’UNICEF. C’est ainsi que Raïmi rencontra « Monsieur Aguirre », qui travaillait pour la même agence, dans le même pays, à la même époque. Monsieur Aguirre était équatorien et Raïmi rêva de « sauver le monde » en Amérique Latine, puisque lui était en train de « sauver le monde » en Afrique. C’est ainsi que naquit le rêve. »


Tananarive, Montréal, Winnipeg, Riobamba : « sauver le monde »




C’est ainsi que naquit mon rêve, et quand j’y repense, je n’arrive pas toujours à croire que je l’ai déjà réalisé. Entre ce premier éveil au reste du monde et l’escalade de la montagne sacrée, bien des choses se sont passées. J’ai grandi entre le Bénin, mon pays natal, et le Cameroun. La France est devenue un peu mon pays d’adoption par le biais de mes études secondaires. Enfin, j’ai passé quelques belles années à Madagascar avant de m’envoler pour Montréal et Winnipeg, où j’ai complété mes études en gestion et en développement international. Durant mes dernières années universitaires, je me suis découvert une passion pour le développement économique communautaire (DEC) et l’économie sociale.


Féru d’entreprenariat, j’ai travaillé comme consultant en gestion pour les entrepreneurs et les populations marginalisées telles que les immigrants et refugiés, les communautés bilingues et les organismes à but non lucratif venant en aide à ces populations. J’ai ensuite collaboré avec le Réseau canadien de DEC (RCDEC) et le Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba (CDEM).


En 2007, après bien des aventures, je découvre le Centre de solidarité international du Saguenay-Lac-Saint-Jean (CSI) qui va m’offrir la possibilité de travailler à Riobamba, en Équateur. Dans le cadre du Programme de jeunes stagiaires internationaux (PJSI) de l’Agence canadienne de développement international (ACDI), je vais pouvoir apporter un appui technique en entreprenariat social, en gestion et en commercialisation équitable à une ONG locale et à des groupes de femmes autochtones.





Des côtes pacifiques de Montañita à Catequilla, le centre du monde, des forêts amazoniennes aux ruines d’Ingarpirca, j’ai vu beaucoup de l’Équateur. Mais plus que les paysages, c’est le voyage intérieur que cette expérience a permis, qui est fascinant. J’ai mesuré mes préjugés à l’échelle de nouvelles réalités et en tant que canadien d’origine africaine, j’ai vécu une expérience enrichissante en Amérique Latine. J’ai réalisé que je transcendais mon expérience canadienne pour retrouver mes racines africaines le jour où j’ai raconté mon rêve d’adolescent aux femmes des cantons de Riobamba et de Colta. Ce jour-là, je suis devenu leur frère et leur fils, elles sont devenues mes mères et mes amies.



3. Revenir



« Comment tu résumerais ton voyage en une phrase? » Me demanda un collègue du CSI. J’étais en train d’achever mon bilan-retour à Alma et j’écrivais les derniers mots de mon rapport.


« C’est drôle que tu me demandes ça maintenant, lui répondis-je. Je venais justement de penser à quelque chose. Tiens, je te l’ai écris ici, sur ton babillard… » Je lui indiquai alors les mots que j’avais gribouillé à l’encre rouge :


« Je suis de toutes les Afrique, je suis de toutes les Amériques, je suis Indigène du monde… »


Je me sens également Équatorien maintenant. Je me sens appartenir à tous ces volcans, à ces montagnes et à ces terres où j’ai vécu par la sueur que j’ai versée en les traversant, les visages que j’ai embrassés et le vin que j’ai partagé. Le visage buriné des femmes indigènes du Canton de Colta est aussi gravé en moi que celui des enfants malgaches du Rova d’Antananarivo et des immigrants pakistanais cherchant une opportunité professionnelle au Manitoba. Oh! Quel souvenir que celui de ce tunnel du centre-ville de la capitale malgache noirci par les gaz d’échappement qui sert de dortoir aux enfants de la rue! Il ressemble étrangement à ceux de Quito… Le bruit des sandales qui claquent sur le sol de poussière des chemins de Yamoussoukro résonne encore à mes oreilles : je savais que les femmes africaines en milieu rural se lèvent tôt pour aller chercher de l’eau. Je sais maintenant qu’il en est de même pour leurs sœurs équatoriennes, qui dès l’aube s’en vont au marché vendre pour si peu, les produits de leurs potagers dont elles privent leurs familles. Et j’ai appris que leur courage n’a d’égal que leur soif d’apprendre : à lire, à écrire, à créer des entreprises, à gagner plus d’argent, à offrir un meilleur avenir à leurs enfants.


À Riobamba, en six mois, j’ai pu observer bien des inégalités. Mais de retour au Canada, je me rends compte que le développement n’est pas seulement une affaire internationale. En Équateur, j’ai appliqué des méthodes et utilisés des outils que j’ai appris à maîtriser ici. J’ai même été confronté des problèmes similaires à ceux que rencontrent les spécialistes en développement local de Winnipeg, de Thompson ou de Brandon : l’alcoolisme, le logement, le racisme, l’emploi, le partage des ressources…


Je reviens donc au DEC et à l’économie sociale pour améliorer la vie des populations marginalisées, jeunes, femmes, personnes à faible revenu ou vivant en minorité ou avec un handicap, immigrants ou aborigènes. Mon intérêt s’est accru autant que ma capacité de travailler avec eux. Je veux participer à la vie de ma communauté apprendre et échanger: émissions de radio, comité des jeunes leaders, Réseau d’action des immigrants et des réfugiés, conférences... La meilleure façon de s’intégrer à sa communauté n’est-elle pas d’y être actif? D’apporter quelque chose?


4. À quoi ressemble l’avenir?



Un nouveau soleil se lève. De nouveaux rêves, de nouveaux horizons.


Il y a quelques semaines, j’ai invité ma conjointe à se joindre à une rencontre du Réseau d’action des immigrants et des réfugiés du RCDEC avec moi pour la première fois. Deux praticiennes que je respecte beaucoup donnaient une conférence, Gulalai Habib venue de Colombie-Britannique, et Yvonne Chui, venue d’Alberta. Ma conjointe s’est un peu ennuyée, l’économie sociale et le DEC ne sont pas ses centres d’intérêt. Mais j’ai remarqué qu’elle a suggéré des solutions, elle s’est ouverte et a écouté, et elle a proposé de m’aider dans mon travail. C’est une première! Je peux donc conclure comme dans les contes de fées: ils continuèrent de s’impliquer dans leur communauté et de faire du développement local ensemble;













« ils vécurent heureux, longtemps, et eurent de nombreux enfants! »

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