L'Argentine connaît une immigration soudaine d'origine africaine

Un article interessant du Monde, repris par Seneweb.com et d'autres médias. (Merci FA.)

Sur la principale avenue de Buenos Aires, la "9 de Julio", Gaola arbore le maillot blanc des "Lions de la Téranga", l'équipe nationale de football du Sénégal. Agé de 22 ans, il est depuis un an en Argentine et vend des bijoux fantaisie et des lunettes sur le trottoir. Il aime parler football, ce qu'il apprécie le plus en Argentine. Mais reste silencieux quand on lui demande pourquoi et comment il est arrivé. Et s'il a des papiers en règle.

Comme lui, de plus en plus de clandestins africains viennent trouver asile en Argentine, fuyant la misère plus que la persécution. Les portes des pays européens sont de plus en plus difficiles à franchir. Depuis deux ans, le nombre de statuts de réfugiés en Argentine a bondi de 142 % et la majorité des demandeurs viennent du Sénégal. Il n'y a pas de statistiques officielles sur leur nombre exact.

Selon l'Agence pour les réfugiés à Buenos Aires, les demandeurs d'asile africains obtiennent un visa pour le Brésil et passent ensuite en Argentine. Ceux qui n'ont pas les moyens de prendre l'avion montent clandestinement sur des bateaux pour vingt jours de traversée. La commission catholique argentine pour l'immigration réclame un meilleur contrôle des nouveaux arrivants. Elle indique que les Africains se voient refuser un permis de résidence, mais ne sont pas expulsés et restent sans statut légal, cibles idéales pour les réseaux de traite de personnes.

Pays d'immigration, symbole d'eldorado par le passé, l'Argentine, durement touchée par le chômage, est aujourd'hui mal préparée pour recevoir ce flot d'immigrants illégaux. Les Africains, comme plus de 42 % des Argentins, travaillent au noir et n'ont donc ni sécurité sociale ni retraite.

Une "petite Dakar"

Les Sénégalais sont nombreux dans le quartier populaire de Once, baptisé "la petite Dakar". C'est le fief traditionnel de la communauté juive, envahi ces dernières années par des petits supermarchés chinois et coréens, des Paraguayens qui vendent des vêtements dans les rues et des indigènes, venus des provinces pauvres du nord argentin, qui offrent des épices et des légumes sur les trottoirs. Dans cette tour de Babel, Cirilo, un Sénégalais arrivé il y a deux ans, lui aussi marchand ambulant de bijoux et de lunettes, se sent discriminé : "Beaucoup de gens nous maltraitent."

Dans les pensions, on leur refuse souvent une chambre. "Beaucoup de mes collègues refusent de les prendre, confirme un chauffeur de taxi. Ils ont peur." Les Argentins n'ont pas l'habitude de côtoyer des Noirs, hormis venus du Brésil. Pour Cirilo, "les habitants de Buenos Aires croient au mythe d'une Argentine blanche et européenne". Il les juge racistes "par ignorance". "Ils ignorent même qu'il y a une population argentine d'origine africaine à cause de la traite des esclaves au XVIIIe siècle", poursuit-il. Cirilo préfère courir les foires de l'intérieur du pays, "car les gens sont plus chaleureux et ont aussi la peau plus foncée à cause de leurs origines indiennes". "Je survis", confesse-t-il. Il ignore s'il rentrera un jour au pays, rêve de voyager.

Tous les Sénégalais connaissent leur compatriote, le musicien Abdul. Il fait figure de patriarche car il est installé dans le vieux quartier de San Telmo depuis 2001. Invité à donner une série de concerts, il a été surpris, peu après son arrivée, par l'effondrement financier de l'Argentine. Il a perdu toutes ses économies et n'avait plus les moyens de rentrer au Sénégal ou de poursuivre sa tournée en Amérique du Sud. Il est célèbre parmi les jeunes Argentins. Ses cours de danse et de différents tambours africains affichent complet. Ses spectacles sont une nouvelle attraction dans le quartier le plus branché de la capitale. Abdul a obtenu la résidence en Argentine. Il est peu bavard quand on l'interroge sur les nouveaux arrivants sénégalais.

Dans le fond d'une galerie du centre de Buenos Aires, sorte de caverne d'Ali Baba, s'est ouvert le stand "Africa Mia". Boua et Bodi sont des neveux d'Abdul. Ils vendent des statuettes, des bijoux, des tissus africains. Ils sont eux aussi méfiants quand on les interroge.

Tous les dimanches, une grande partie de la communauté sénégalaise se retrouve pour manger des plats du pays. Les Argentins, traditionnels mangeurs de viande grillée, s'ouvrent aux saveurs exotiques. Après la cuisine chinoise, vietnamienne, indienne, apparaissent dans les magazines des recettes de plats africains.

Christine Legrand
Article paru dans l'édition du 21.10.09

Carnet de voyage: en marchant...

“Les écoliers laborieux
Vont avec joie à leur ouvrage
Mais les élèves sans courage
Partent les larmes dans les yeux…
Allons il faut faire silence
Les jeux sont finis, mes petits amis
Voila la maîtresse qui s’avance
Sans perdre de temps
Mettons-nous en rang!”

Lundi, 8h03 du matin. Je suis à Regina depuis quelques semaines. Cette comptine de mon enfance me revient à l’esprit alors que je marche d’un pas rapide vers mon lieu de travail. Je me souviens de ces premières années durant lesquelles j’allais à pied de la maison à l’école primaire Charles Guillot A. Mes premières années au collège ont également été remplies de marches entre la maison du quartier JAK et le collège de l’Union et j’ai vite rencontré quelques amis avec qui j’ai cheminé le long des sentiers de sable, des chemins de fer et des routes de terre battue. Au Cameroun, nous allions du lycée au « TC », le Tennis Club américain, tuer le temps entre deux cours et accompagner ceux d'entre nous qui fumaient en cachette. C’est entre les sissongos (appellation pour les hautes herbes qui poussent localement) que nous cheminions alors, une torture lorsque nous étions en shorts.


Vingt-cinq ans plus tard, je trotte le long d’avenues saskatchewanaises plus larges et moins peuplées, les oreilles pleines d’un Dan Bigras québécois et le cœur en miette d’être encore plus loin des miens. J’avance vers mon boulot en me demandant quel trajet suivront mes enfants à moi, si mes pérégrinations m'ont menées si loin d'est en ouest, de Cotonou à Regina. Arrêtons-nous jamais de marcher?

De plus en plus préoccupé - Ghandi

GhandiImage by nilexuk via Flickr

"I am not an economist but watching increasingly smaller numbers of people control increasingly larger numbers of increasingly limited shared resources is making me increasingly worried -Ghandi

Je suis tombé sur cette citation du Mahatma que j'ai voulu offrir en partage. Je l'ai trouvée sur le site web d'Otesha ("raisons de rêver" en swahili). Basé à Ottawa, Otesha est un projet de mobilisation des jeunes pour le changement dans nos habitudes de consommations à travers des tournées en velo, du théatre, du multi-média etc.
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Devinez!

Devinez qui est ce beau monsieur d'une cinquantaine d'années? Non, ce n'est pas un de ses frères, un de ses neveux ou un cousin quelconque. C'est bien lui, Michael, le roi de la pop, ou du moins ce à quoi il ressemblerait s'il n'avait pas subi de chirurgie esthétique.

Il semblerait que l'année d'avant sa mort, il se demandait ce qui lui avait pris d'en subir autant. Il semblerait qu'il était désorienté et plein de regrets. Il semblerait qu'il n'avait plus envie de vivre. La chirurgie esthétique, comme les tatouages je crois, semble être aussi adictive qu'une drogue. Il a sans doute toujours voulu être beau. Surtout, M-Jay a toujours voulu rester jeune.


Vous l'avez sans doute entendu en long en large et en travers dans tous les médias du monde. Pardonnez-moi donc de revenir sur le sujet. Je voulais simplement souligner cet article de J. Randy Taraborrelli, le meilleur biographe que j'aie eu le plaisir de lire. Randy en tout cas, c'est celui qui à mes yeux a fait le plus justice à mon idole.

J'ai déjà fait mon éloge d'M-Jay. J'ai essayé dans "Gone Too Soon" de lui rendre un hommage bien personnel. Mais il m'arrive encore, quand j'écoute "Smile" ou "Keep the Faith", d'avoir une larme à l'oeil et de vouloir partager ces émotions avec vous. C'est de là que viennent ces mots.
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Société: racisme "ordinaire"

Anti-Racism Kensington 33Image by thivierr via Flickr


"Brice Hortefeux a trop d'humour. Je le sais, il m'a fait une blague un jour. Jeudi 24 avril 2008. Le ministre de l'immigration et de l'identité nationale doit me recevoir dans son majestueux bureau. Un rendez-vous pour parler des grèves de sans-papiers dans des entreprises. Je ne l'avais jamais rencontré. Je patiente avec ma collègue Laetitia Van Eeckhout dans cet hôtel particulier de la République. Brice Hortefeux arrive, me tend la main, sourit et lâche : "Vous avez vos papiers ?"

Trois mois plus tard, lundi 7 juillet, jour de mes 29 ans. Je couvre le Tour de France. Je prépare un article sur ces gens qui peuplent le bord des routes. Sur le bitume mouillé près de Blain (Loire-Atlantique), je m'approche d'une famille surexcitée par le passage de la caravane, pour bavarder. "Je te parle pas, à toi", me jette un jeune homme, la vingtaine. A côté de moi, mon collègue Benoît Hopquin n'a aucun souci à discuter avec cette "France profonde". Il m'avouera plus tard que, lorsque nous nous sommes accrédités, une employée de l'organisation l'a appelé pour savoir si j'étais bien son... chauffeur."

Ces anecdotes et quelques autres, Mustapha Kessous d'origine arabe nous les raconte avec élégance et pudeur comme le dit Léon-Marc Lévy dans "Des noms pas propres." Mustapha témoigne de sa vie en France dans Moi, Mustapha Kessous, journaliste au "Monde et victime du racisme" du 23 septembre dernier et Léon-Marc souligne le vrai problème: "Mon propos, c'est le nom qui tue. Le nom sans homme. Le nom propre qui devient nom commun pour charrier la haine collective de l'Autre. M. Arabe Kessous. M. Léon-Marc Juif. C'est meurtrier, tout le monde le sait. La police de Vichy travaillait comme ça : des listes de noms qui donnaient des listes de Juifs avant de donner des listes de déportés et des listes de morts. Et de donner, au bout du cauchemar, les murs de Yad Vashem."

Je vous invite à lire également les nombreux témoignages et réactions à "Être français d'origine arabe en 2009."


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Carnets de voyage: Solitude au Far-West

Je me suis inscrit depuis peu à un groupe sur Facebook: "La vie à l'étranger qu'on ne trouve pas sur Facebook", une idée brillante de l'auteur qui rappelle que "sur Facebook, toutes nos photos et nos échanges sont en grande partie hyper positives (...) mais il n'y a pas la photo de quand j'ai mangé pendant une semaine des spaghettis assaisonnés à l'huile d'olive avec du sel et du poivre parce que j'étais dans la dèche !"


L'objectif est simple: "que dans ce groupe nous fassions part de nos expériences moins glorieuses pour parer à certaines désillusions. Ça peut être triste, ça peut être drôle, l'essentiel est que cela soit surtout simple et vrai !"

Les nomades vivent constamment ces moments moins glorieux. "Immigré" en Saskatchewan pour quelques mois et installé dans un quartier tranquille, je traverse actuellement un de ces moments moins drôles de "la vie à l'étranger" : la solitude! À l'heure de la pause-café chez Tim Hortons aujourd'hui, j'en ai parlé avec une collègue. Appelons-la Ludivine.

sk99g26 Regina, Saskatchewan, Downtown 1999Image by CanadaGood via Flickr

« Alors, tu aimes bien ton séjour » me demande t’elle. Elle est vraiment drôle, Ludivine. Depuis le premier café que nous avons pris ensemble à mon arrivée il y a trois semaines elle a évité mon regard chaque fois que je passais devant son bureau pour « l’inviter » des yeux ou poliment décliné mon invitation quand je me suis posé discrètement devant sa porte. Les quelques autres collègues se sont montrés peu enclins à s’ouvrir, saluant à peine d’un geste de la main le matin ou d’un grognement en fin de journée. Pourtant j'avais confié à Ludivine que je n’avais pas de connaissances à Regina et que j’aurais aimé rencontrer des « gens d’ici. »

« - Oh, à part le fait que personne ne veut me parler, je vais bien.
- comment ça?
- pas de contact visuel avec des inconnus, après le travail chacun rentre chez soi et vaque à ses occupations, le restaurateur chez qui je vais tous les jours trouve bizarre que je veuille connaître son nom, mes voisins sont soit invisibles, soit introvertis…
- Oui, ici on n’établit pas beaucoup de contacts avec des gens qu’on ne connaît pas.
- Mais alors, comment apprendre à les connaître? » Ludivine me sourit. « Seules deux personnes m’ont vraiment adressé la parole en deux semaines: un africain, parce qu’il a reconnu le logo de son entreprise sur un sac promotionnel que j’utilise et un avocat anglophone qui a vécu à Montréal, parce qu’il a reconnu mon accent et qu’il veut pratiquer son français! »

C’est déjà un début, deux personnes en trois semaines. Il faut reconnaître que tout le monde n’est pas extraverti. De plus, ce n’est pas juste dans l’ouest ou dans les plus petites villes qu’on ne parle pas aux inconnus, c’est partout. Mais je dois admettre que plus je m’enfonce dans les Prairies et plus le phénomène se généralise. Il en est sans doute de même dans les provinces atlantiques, maritimes, pacifique, au Nord ou au fond de l’Ontario et du Québec. Au Québec au moins, j’aurais eu la langue en commun avec mes interlocuteurs, et la langue est un vecteur majeur d’intégration, un outil contre la solitude.

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Carnets de voyage: Rêves d'acier dans la ville reine

En rentrant hier soir de mon cours je suis passé faire quelques achats. L’épicier du coin est ouvert jusqu’au bout de la nuit, une aubaine pour les couche-tard de mon genre. En ressortant dans la nuit glacée, j’ai croisé une jeune femme qui se dirigeait d’un pas leste comme tous les gens d’ici, vers une voiture garée derrière la mienne. Incapable de distinguer son automobile, j’ai deviné en souriant qu’elle conduisait la coccinelle peinte de jolis tournesols que j’avais remarquée en arrivant. La jeune femme s’est plutôt dirigée vers la voiture d’à coté et je suis reste interloqué en la voyant s’engouffrer dans un bolide. Je me suis dépêché de déposer mes achats sur la banquette arrière de ma petite Dodge SX 2 et pendant qu’elle baissait la vitre en verrouillant les portières, je me suis empressé vers elle pour lui demander quel modèle elle conduisait.
« C’est une Cayman S.
- Wow ! Et vous connaissez la différence avec les Boxter ou les Carrera? Vous en avez essayé une? » Je voulais avoir l’air d’un connaisseur, mais je ne m’intéresse pas aux voitures de luxe à vrai dire. J’avais juste entendu parler de la Panamera la veille, et j’étais allé faire un tour sur internet.
« Non, c’est l’auto à mon mari, alors je ne m’y connais pas beaucoup…
- Elle est vraiment belle en tout cas.
- Je lui dirai, merci à vous.
- De rien ! Et parlez-lui de la Panamera aussi… »
Je l’ai regardé s’éloigner en retournant vers ma berline. Cette Porsche de plus de 70.000$ m’a fait rêver tout d’un coup. J'avais observé jusqu'ici que les propriétaires de tels vehicules avaient toujours plus de cinquante ans et je n'avais jamais compté une femme dans la catégorie. Ah si j’étais millionnaire…


Question: combien faut-il gagner pour s'offrir un bolide entre 70.000$ et 150.000$ de ce genre?



Carnets de voyage: Immigrants à Régina

C'est un petit coin de pays tranquille. Statistique Canada considère Regina comme une région métropolitaine de recensement (RMR), c'est à dire qu'elle est formée d'une ou de plusieurs municipalités adjacentes situées autour d'une grande région urbaine. Une RMR doit avoir une population d'au moins 100 000 habitants et le noyau urbain doit compter au moins 50 000 habitants.

Regina est une très petite ville, où on circule facilement. Comme dans la plupart des villes américaines, l'urbanisation a été planifiée et les espaces sont bien quadrillés. Certaines avenues portent des numéros, 4ème, 5ème, 6ème, 12ème, 13ème, comme à New York. D'autres -c'est amusant- portent des noms de la province et de villes canadiennes: Saskatchewan Drive, Quebec St., Montreal St., Toronto St., Ottawa St., St John et Halifax St.

C'est une petite ville qui "fait" petite ville. Les cafés et les restaurants ferment tôt, on se salue encore dans la rue, on s'offre facilement des cigarettes. Deux fois déjà des étrangers m'ont offert de me déposer en voiture alors qu'il pleuvait et que je n'avais pas de parapluie ou que je ne savais pas comment me rendre chez moi un soir après un tour à l'hôpital. Ceux qui s'y établissent viennent pour le calme: c'est une ville qu'ils préfèrent à des métropoles plus bruyantes et plus densément peuplées pour des raisons aussi simples que commencer une famille. Les étudiants étrangers trouvent Régina moins coûteuse et une fois établis, n'ont plus envie de partir. La population, bien que distante de prime abord, s'avère vite très amicale et attachante. Rien à voir avec les expériences de Kyriaki et d'Elias, immigrants de Grèce ou d'Awelana qui est arrivée du Ghana dans la ville de Toronto.

Par contre, je sens chez les immigrants que je rencontre ici, qu'ils soient de Grèce, du Ghana, ou du Congo et du Burundi, un grand sens du sacrifice. "On est ici pour le bien des enfants." Auraient-ils aimé être ailleurs s'il n'en tenait qu'à eux et à leur bonheur? Vivre dans la paisible ville-reine pour assurer un bel avenir à ses enfants, voilà le pari. Mais pour les nomades de mon genre, ce petit coin de pays se fait un peu trop tranquille... (à suivre)