MBA gratuit pour immigrants professionnels


Contribution spéciale de Fatymah

Fatymah est arrivée en Outaouais au Québec en janvier 2012 avec son mari et ses deux garçons. Dans cette nouvelle lettre adressée à une amie qui vit dans son pays d'origine, Fatymah qui en est à sa deuxième contribution à IDM, parle des défis liés à son intégration professionnelle.


Chère amie, 

Aujourd’hui, c’est le premier dimanche marquant la fin de ma première année à titre d'étudiante-épouse-mère-professionnelle-jeune femme. Ai-je oublié une de mes casquettes? Est ce dans le bon ordre?!

Ce fut une année belle, joyeuse et triste à la fois, excitante et stressante, riche en émotions, en pleurs et en leçons de vie. Elle a commencé dans la joie avec mon admission au programme de Maitrise en administration des affaires (MBA) qui sera un défi quotidien jusqu'en juillet 2014 Inch'Allah. D plus, quelques semaines plus tard, j'avais l'honneur d'être le témoin de mariage de mon ami et frère M., lors d’un bref séjour en Afrique. Ce voyage a été marqué par des actions de grâce et l’allégresse des retrouvailles avec la famille et les amis.

Ensuite, pendant sept mois, de septembre 2012 à mars 2013, j'ai couru en vain après un équilibre famille-travail-MBA. J'ai usé de toutes mes tactiques de planification, d'organisation et de stratégie "militaire": menu d'un mois, plats préparés à l'avance, délégation d'autorité maternelle, agenda avec des plages pour les imprévus, chronomètre pour mes travaux à la maison sans avoir le succès escompté parce que j'ai négligé l'impact considérable de la donne la plus importante de ce système : l'Homme.

Je n’ai pas tenu compte de l’importance de mes limites physiques et intellectuelles, des besoins affectifs de ma meilleure moitié et de mes garçons qui ne comprenaient pas toujours mon absence les soirs et les weekend ou qui étaient surpris de me voir à la maison (« Maman, tu ne vas pas à l'école? » « Maman, as-tu des jouets dans ton école? »), des membres de mon équipe MBA dont chacun veut faire valoir son opinion peu importe la perte de temps et d'énergie (ce n’est pas toujours commode le travail d'équipe entre professionnels expérimentés), de certains professeurs qui ne savent pas que les étudiants travaillent durant leur formation, ni de ma vie sociale canadienne et ivoirienne à entretenir...

J'ai célébré mes premières fêtes de fin d'année en tant que maitresse de maison tranquille dans mon salon, sans aucune festivité, les cadeaux de Noël ayant même failli ne pas être emballés par les livreurs du père Noël. J'ai lutté contre la neige et le froid de l'hiver canadien, et parfois regretté le confort de notre ancien appartement où je n’avais pas à me préoccuper du déneigement.
Source: http://thesocietypages.org/sociologylens/2008/12/

Et puis, j'ai pleuré, beaucoup pleuré certains moments. J'étais à bout de forces. Mes nerfs me lâchaient. J'étais frustrée de ne pas avoir d'aide en claquant des doigts comme au pays. J'ai pleuré lorsque je vivais une "injustice" de mon pays d'accueil. J'ai pleuré avec ma sœur A. (que Le Seigneur te fortifie et demeure toujours dans ta maisonnée) qui a perdu son mari. Quelle douleur! Cet épisode m'a ramené 10 ans en arrière vers celui du décès de mon cher et tendre Papa. J'ai pleuré d'inquiétude à cause de bobos ici et là.

Finalement, j'ai abandonné ma quête d'équilibre famille-travail-MBA pour parer aux urgences. Fini l'étudiante modèle qui prépare tous ses cours, la mère modèle qui n'emmène jamais ses enfants au Mc Donald, l'employée consciencieuse qui ne manque jamais à l'appel...

Merci Seigneur d'avoir toujours été tout près de moi, jamais l'idée d'abandonner n'a traversé mon esprit. Merci à mes trois gars pour leur patience, leur compréhension, leur tolérance à mon stress et leurs câlins. Merci aux amis d'ici particulièrement la famille O. pour leurs soupers et leur maison transformée parfois en garderie. Merci à ma famille et mes amis du pays pour leurs mots d'encouragement et les « affairages » qui venaient briser ma routine de stress.

Enfin, l'été tant attendu est là avec ses vagues de chaleur (40°C). Rien de prévu à l’horizon, à part quelques travaux de MBA peu urgents. Je peux enfin prendre simplement le temps de respirer, de vivre calmement et d'offrir un beau sourire à la vie (don de Dieu).

A tantôt,

Fatymah

Immigrants, (in)conscience et réalités

Il m’arrive souvent d’avoir des discussions sur l'immigration canadienne et l'impact négatif de la fuite des cerveaux qui mine l'Afrique. Je reviens souvent dans mes conversations sur la question -trop discutée à mon goût- du manque de reconnaissance des acquis des nouveaux arrivants et sur celle des sempiternels médecins devenus chauffeurs de taxi et des comptables qui font maintenant de l’entrée de données. Et bien souvent, je dois me rendre compte que nous parlons de constat, face à ce problème, et pas de solution. Comment changer les choses? Que faire pour comprendre la source du problème, plutôt que de s'en plaindre? Nous n'avons pas le temps d'explorer cet aspect plus "constructif" des choses...

Et quand nous parlons aux immigrants potentiels, ceux qui cherchent à venir, de l'impact négatif de l'immigration (comme dans cet article que je viens de recevoir et qui parle de la santé des nouveaux arrivants au Canada) ils ont du mal à croire que la réalité locale est si difficile.

N'est-ce pas simplement humain que de préférer constater par soi-même plutôt que de croire ce que disent des journalistes et des blogueurs qui donnent l'impression de vouloir nous décourager? Qu'en dites-vous?

Nelson Mandela désormais immortel

N. Mandela, 2008. Source: Wikipedia

"Mandela se meurt" titrent les journaux en ce milieu d'été 2013. "Laissez-le en paix" s'écrie mon coeur. À plus de 94 ans, dont 27 en prison et un nombre beaucoup plus impressionnant sacrifié à l'autel de la liberté et de la justice celui que la nation sud-africaine appelle affectueusement "Père" mérite un peu de tranquilité. D'autant plus qu'au-delà du "passage" de l'être humain, Nelson Mandela est désormais un symbole immortel de résistance pacifique, de persévérance et de courage.

On se doit aussi, comme le rappelle cet article de Pierre Haski de se souvenir qu'à l'instar des sages qui nous inspirent, le monde n'a pas été tendre avec lui et que les puissants qui aujourd'hui défilent à son chevet ne l'ont pas toujours soutenu.

Extrait: "Le consensus d’aujourd’hui autour de Nelson Mandela ne doit pas faire oublier les errements criminels d’hier qui ont contribué à le laisser plus d’un quart de siècle en prison, et à prolonger la durée de vie du système inique de l’apartheid.

Il est plus facile de faire croire qu’on a toujours été du côté du « bien » contre le « mal » que de s’interroger sur les raisonnements fallacieux qui ont poussé la « patrie des droits de l’homme » et les autres défenseurs de la démocratie à rester aussi longtemps complices d’un système basé sur un déni d’humanité.

La disparition d’un géant de l’histoire devrait pourtant être le moment de regarder objectivement le passé."