Carnets de voyage: Solitude au Far-West

Je me suis inscrit depuis peu à un groupe sur Facebook: "La vie à l'étranger qu'on ne trouve pas sur Facebook", une idée brillante de l'auteur qui rappelle que "sur Facebook, toutes nos photos et nos échanges sont en grande partie hyper positives (...) mais il n'y a pas la photo de quand j'ai mangé pendant une semaine des spaghettis assaisonnés à l'huile d'olive avec du sel et du poivre parce que j'étais dans la dèche !"


L'objectif est simple: "que dans ce groupe nous fassions part de nos expériences moins glorieuses pour parer à certaines désillusions. Ça peut être triste, ça peut être drôle, l'essentiel est que cela soit surtout simple et vrai !"

Les nomades vivent constamment ces moments moins glorieux. "Immigré" en Saskatchewan pour quelques mois et installé dans un quartier tranquille, je traverse actuellement un de ces moments moins drôles de "la vie à l'étranger" : la solitude! À l'heure de la pause-café chez Tim Hortons aujourd'hui, j'en ai parlé avec une collègue. Appelons-la Ludivine.

sk99g26 Regina, Saskatchewan, Downtown 1999Image by CanadaGood via Flickr

« Alors, tu aimes bien ton séjour » me demande t’elle. Elle est vraiment drôle, Ludivine. Depuis le premier café que nous avons pris ensemble à mon arrivée il y a trois semaines elle a évité mon regard chaque fois que je passais devant son bureau pour « l’inviter » des yeux ou poliment décliné mon invitation quand je me suis posé discrètement devant sa porte. Les quelques autres collègues se sont montrés peu enclins à s’ouvrir, saluant à peine d’un geste de la main le matin ou d’un grognement en fin de journée. Pourtant j'avais confié à Ludivine que je n’avais pas de connaissances à Regina et que j’aurais aimé rencontrer des « gens d’ici. »

« - Oh, à part le fait que personne ne veut me parler, je vais bien.
- comment ça?
- pas de contact visuel avec des inconnus, après le travail chacun rentre chez soi et vaque à ses occupations, le restaurateur chez qui je vais tous les jours trouve bizarre que je veuille connaître son nom, mes voisins sont soit invisibles, soit introvertis…
- Oui, ici on n’établit pas beaucoup de contacts avec des gens qu’on ne connaît pas.
- Mais alors, comment apprendre à les connaître? » Ludivine me sourit. « Seules deux personnes m’ont vraiment adressé la parole en deux semaines: un africain, parce qu’il a reconnu le logo de son entreprise sur un sac promotionnel que j’utilise et un avocat anglophone qui a vécu à Montréal, parce qu’il a reconnu mon accent et qu’il veut pratiquer son français! »

C’est déjà un début, deux personnes en trois semaines. Il faut reconnaître que tout le monde n’est pas extraverti. De plus, ce n’est pas juste dans l’ouest ou dans les plus petites villes qu’on ne parle pas aux inconnus, c’est partout. Mais je dois admettre que plus je m’enfonce dans les Prairies et plus le phénomène se généralise. Il en est sans doute de même dans les provinces atlantiques, maritimes, pacifique, au Nord ou au fond de l’Ontario et du Québec. Au Québec au moins, j’aurais eu la langue en commun avec mes interlocuteurs, et la langue est un vecteur majeur d’intégration, un outil contre la solitude.

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