Carnets de voyage: la Fransaskoisie

J'ai eu le plaisir de rencontrer Denis Desgagné, directeur général de l'Assemblée communautaire fransaskoise lors d'une réunion du RICLOS, le Réseau interministériel des coordonateurs de langue officielle de la Saskatchewan. Ma réponse à sa question "Penses-tu déménager en Saskatchewan?", une grimace, lui a fait tourner la tête de déception; c'est sans doute une réaction qu'il voit souvent, mais pour d’autres raisons. J'ai offert à Denis de prendre le temps de lui répondre ici. Voici.

Denis, actuellement, je suis installé et je vis au Manitoba où je suis heureux. J'ai d’abord fait la grimace parce que j'aurais volontiers considéré la Saskatchewan comme province d'accueil si j'en cherchais une. C'était plus par hésitation que parce que je vis de mauvaises expériences à Régina ou en Saskatchewan.

Bien sûr, il y a d'abord eu ces douloureuses premières semaines pendant lesquelles le choc de la petite taille de la ville de Regina a suivi celui de la difficulté de se faire des amis. L'atterrissage dans une nouvelle ville n'est pas toujours facile quand on n'y connait personne. J'ai d’abord trouvé les gens froids et distants ici. Mes tentatives infructueuses d’établir le contact m’ont fait réalisé qu'il me fallait simplement changer d'approche et me tourner vers des gens avec qui j'ai des points en commun: étudiants en sciences sociales, amateurs de poésie et de musique, écrivaillons en tout genre et surtout… francophones. Il n'y en a que 1,59% dont la première langue parlée est le français (2006) dans la province, mais j’ai réussi à les trouver! J’ai rencontré les jeunes employés de l’Institut français.

Mon expérience a alors changé du tout au tout et j'ai commencé à me sentir confortable. J'ai eu le plaisir d'assister à des soirées, de danser et de "socialiser" plus que je l'aurai imaginé. Enfin, cette rencontre avec des professionnels de cinq ministères différents a scellé mes impressions de Régina. C’est une petite ville, certes. Sur le plan économique, la structure des taxes d’entreprise est telle qu’elle empêche les grandes entreprises de s’installer ici et qu’elle fait l’apogée des PME. Ces derniers sont appelés les « moteurs » de l’économie. C’est une vie sociale de proximité, je peux d’où je vis « Walk to Work », marcher pour aller au travail, au supermarché, au restaurant et à l’université. Je peux même, avec du courage et de l’organisation, aller à pied chercher quelqu’un à l’aéroport (et revenir en taxi, bien sûr!) J’aime également les petits cafés, les magasins « du coin », où petit à petit les saluts timides se sont mués en longues conversations. J’aime bien les restaurateurs dont je fréquente les établissements, mes collègues francophones et mes amis employés de l’Institut français. J’ai découvert avec bonheur que le mot d’ordre des gens d’ici est l’inclusion et que les francophones, si peu nombreux qu’ils soient, sont passés d’un désir de revendication à un désir de valorisation. Comme l’a dit Gérard Bouchard (Commission Bouchard-Taylor de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles) lors de son passage à Régina, c’est le Québec qui a à apprendre des fransaskois et pas l’inverse. (J’ajouterai que le Manitoba, dont la commission scolaire francophone rejette encore les enfants de familles exogames, en a tout autant à apprendre.)

C’est simplement que je suis un nomade et que cet automne a été une autre escapade montée de toutes pièces : j’ai trouvé deux ou trois bonnes raisons académiques et professionnelles de venir vous rencontrer, fransaskois et reginois, de venir apprendre ce que vous « mangez en hiver », ce qui vous fait vibrer. J’ai voulu découvrir les avenues Dewdney et Victoria, l’Université de Régina et l’hôtel de ville, le centre-ville et les bureaux de mon employeur, Statistique Canada. J’ai voulu voir ce qu’il y a en commun et ce qu’il y a de différent entre nos deux villes, nos deux provinces, histoire de pouvoir offrir des arguments solides à ceux qui ne comprennent pourquoi vous aimez tant votre coin de pays. Je suis devenu un défenseur et un promoteur de la vie en Saskatchewan, province en majorité anglophone et rurale et c’est le peu que j’ai compris que j’emporte avec moi, ami Denis. Si je ne peux rester, c’est simplement que je suis un nomade…

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